Les agriculteurs canadiens rappellent le chevalier noir des Monty Python et du Saint Graal. Ils continuent de se battre bien qu’ils soient battus, encore et encore, par la série apparemment interminable de défis qui leur sont lancés au printemps et en été : des conditions météorologiques extrêmes, les renégociations de l’ALENA, les dommages collatéraux des tarifs douaniers entre les États-Unis et la Chine, une dispute diplomatique avec l’Arabie Saoudite. et même un polar bizarre concernant le blé génétiquement modifié qui est mystérieusement apparu en Alberta. Bon nombre de ces problèmes restent fluides, mais voici un bref résumé de mi-saison de la situation à la ferme :
- Météo – Aucune région du pays n’a connu une météo « normale » pendant cette saison de croissance. L'Ouest a été aux prises avec une sécheresse continue tout au long de la saison, le centre du Canada a connu un printemps froid et humide suivi d'une chaleur sèche et torride ponctuée de tempêtes de pluie occasionnelles, et les Maritimes ont connu des inondations en début de saison et une chaleur inhabituelle pour la saison au cours des mois d'été. Malgré ces défis, notre équipe de gestion immobilière rapporte que, pour la plupart des agriculteurs canadiens, les récoltes s'annoncent plutôt bonnes. Les conditions météorologiques de cet été sont-elles une aberration ou la nouvelle normalité causée par le changement climatique ? The Economist a récemment publié un excellent article sur ce débat ici.
- ALENA – Les renégociations en cours de l’ALENA font la une des journaux depuis plus d’un an maintenant, mais malgré une couverture presque 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, aucun détail n’a été révélé publiquement sur les impacts potentiels qu’un nouvel accord (le cas échéant) aurait sur le Canada. Les agriculteurs. L’un des objets de mépris favoris du président Trump est le système de gestion de l’offre du Canada pour les produits laitiers. Si l'on met de côté le fait que les États-Unis subventionnent également massivement leur secteur laitier, il est probable que tout renouvellement de l'ALENA entraînera des changements pour les producteurs laitiers du Canada. Néanmoins, nous ne croyons pas que ces changements potentiels constituent un risque important pour l'ensemble du secteur agricole du Canada. Tout changement au système actuel comprendrait probablement une généreuse aide à la transition qui limiterait l'impact de tout changement sur les producteurs laitiers du Canada. À long terme, nous croyons que tout accord commercial qui accroîtrait l'accès du Canada aux marchés laitiers mondiaux en plein essor constituerait un avantage net pour les producteurs laitiers du Canada. Notre système laitier actuel de gestion de l'offre exclut effectivement les agriculteurs canadiens de la forte demande mondiale de produits laitiers (en particulier de la Chine), de sorte qu'un meilleur accès aux marchés mondiaux serait, à long terme, une opportunité et non une menace pour les agriculteurs canadiens. Un excellent rapport d'Al Mussel, de l'Agro-Food Policy Institute, distingue les faits de la fiction dans le conflit laitier et peut être consulté ici.
- Guerre commerciale sino-américaine – Les producteurs de soja canadiens ont été pris entre deux feux dans une guerre tarifaire entre la Chine et les États-Unis. Début juillet, la Chine a imposé un droit de douane de 251 TP3T sur les importations de soja en provenance des États-Unis. En prévision d'une offre excédentaire attendue de soja américain sur les marchés mondiaux, le prix du soja a récemment baissé à $310 USD la tonne métrique, contre 1TP442 USD la tonne en avril. La faiblesse du dollar canadien a isolé dans une certaine mesure les agriculteurs du pays, mais les prix sont clairement plus bas qu'ils ne l'auraient été en l'absence de conflit commercial. Nous estimons que le marché a réagi de manière excessive et qu'à long terme, si le différend commercial n'est pas résolu, il pourrait représenter une opportunité importante pour les producteurs de soja canadiens. La Chine, le plus grand importateur mondial de soja, manque chaque année de 90 millions de tonnes de soja et les États-Unis fournissent 391 TP3T de ce déficit. La Chine, quant à elle, représente 62% des exportations américaines de soja. Le Brésil, qui a récemment dépassé les États-Unis en tant que plus grand producteur mondial de soja, sera le principal bénéficiaire de ces droits de douane. Toutefois, les producteurs de soja canadiens sont également bien placés pour bénéficier d’une demande accrue à l’exportation. L'appétit massif de la Chine pour le soja importé nous porte à croire que les prix actuels du soja sont un cas de « douleur à court terme pour un gain à long terme » pour les agriculteurs canadiens.
- Différend diplomatique avec l'Arabie Saoudite – Début août, l’Arabie saoudite s’est offusquée des publications sur Twitter du gouvernement canadien appelant à la libération immédiate des militants des droits de l’homme. La réaction de l'Arabie saoudite qui a suivi s'est traduite, entre autres mesures liées au commerce, par une interdiction des importations de blé et d'orge canadiens. Malgré la publicité qu'ont reçue les annonces de l'Arabie Saoudite, les agriculteurs canadiens ne remarqueront pas beaucoup de changement. En 2017, l’Arabie Saoudite a acheté environ 10% d’orge canadienne – seulement 134 000 tonnes métriques – et moins de 1% de blé canadien. Les volumes de céréales touchés par l'embargo saoudien ne sont pas importants et nous ne prévoyons donc pas d'impact matériel sur les agriculteurs canadiens en raison des mesures saoudiennes.
- Mystère du blé OGM en Alberta – L'événement le plus bizarre qui soit arrivé aux agriculteurs canadiens cet été a été l'apparition mystérieuse, en juillet 2017, d'une souche expérimentale de blé génétiquement modifié dans un fossé en bordure de route en Alberta. Le canola, le maïs, le soja et d'autres cultures OGM sont couramment cultivés au Canada et exportés à l'étranger, mais la production commerciale du blé OGM n'est pas approuvée au Canada (ou ailleurs dans le monde). Le blé a été identifié après avoir survécu à une application du désherbant Round Up et, lorsque la découverte a été annoncée par l'Agence canadienne d'inspection des aliments (« ACIA ») au début de l'été, le Japon a réagi en suspendant les importations de blé en provenance du Canada. Le Japon achète environ 1/3rd de toutes les exportations de blé canadien, les conséquences étaient donc graves pour les producteurs de blé canadiens. En conséquence, les prix du blé canadien ont chuté. Heureusement, le Japon a repris ses importations de blé canadien le 20 juilletème après qu’il ait été démontré que les souches OGM n’avaient pas infiltré nos circuits d’approvisionnement. Mais le mystère demeure : comment cette souche expérimentale de blé OGM s’est-elle retrouvée jusqu’à un fossé au bord d’une route en Alberta ? Des chercheurs universitaires et l'ACIA auraient écarté toutes les explications plausibles, laissant le sabotage comme théorie principale. Un groupe de pression anti-OGM ou un agent russe ont-ils dispersé des graines génétiquement modifiées le long d'une route, sachant que leur découverte perturberait sérieusement les exportations de blé canadien ? Selon des rapports publiés, ces deux groupes ont un historique d’activités malveillantes dans les systèmes agricoles modernes, de sorte que la théorie – même si elle semble farfelue – est au moins plausible. Il est peu probable que nous le sachions un jour avec certitude, mais le mystère est approfondi par le Globe and Mail ici.
Dans l’ensemble, les agriculteurs canadiens semblent prendre à bras le corps tous ces irritants à court terme. Les visites effectuées auprès des agriculteurs de Bonnefield au cours des mois d'été n'ont révélé aucun problème sérieux et la plupart restent optimistes quant à une récolte raisonnable au cours des prochains mois.
À ce contexte de défis à court terme s’opposent les tendances à long terme qui continueront de profiter aux agriculteurs canadiens au cours des prochaines décennies. Ces réalités sont clairement résumées dans le dernier commentaire trimestriel de Jeremy Grantham, co-fondateur de GMO, basée à Boston, une société d'investissement avec $71 milliards d'actifs. Je vous exhorte à le lire. Son commentaire met en perspective la menace urgente que le changement climatique et l'érosion des sols font peser sur l'approvisionnement alimentaire mondial. Cela souligne également le rôle important que nous, à la fois investisseurs et gestionnaires à long terme des terres agricoles canadiennes, devons envers les générations actuelles et futures. L'article de Grantham, disponible ici avec une inscription gratuite, est un résumé remarquable des raisons pour lesquelles nous faisons ce que nous faisons ici à Bonnefield et pourquoi nous nous concentrons tant sur la santé des sols et l'agrologie.
Bien écrit, excellentes informations
Philippe Chabot