Les prix des terres agricoles aux États-Unis, en particulier dans le Midwest, se modèrent et, dans certaines régions, diminuent même légèrement par rapport à leur sommet de 2013/14. Les agriculteurs américains ont été confrontés à des difficultés liées à la force du dollar américain, à la faiblesse des prix des matières premières libellés en dollars américains (en particulier le soja et le maïs) et à une sécheresse persistante dans certaines régions du pays. En revanche, les perspectives pour les agriculteurs canadiens restent prometteuses. Financement agricole Canada a récemment prévu que les recettes monétaires agricoles augmenteront de 5,81 TP3T en 2016 et augmenteront encore de 3,81 TP3T en 2017. De plus, dans un rapport publié en septembre, FAC a également souligné la solidité financière actuelle du secteur agricole canadien par rapport aux tendances historiques. :

  • la liquidité est forte avec un ratio de liquidité générale de 2,40, en ligne avec la moyenne sur 15 ans du secteur ;
  • ratio d’endettement historiquement bas de 15,5% contre une moyenne sur 15 ans de 16,7% ; et
  • rendement des actifs de 2,3%, proche de la moyenne sur 15 ans de 2,6%

Pourquoi les perspectives des agriculteurs américains sont-elles si différentes de celles des agriculteurs canadiens ? Et quelle est la probabilité que la faiblesse ou la baisse des prix des terres agricoles aux États-Unis entraîne une tendance similaire au Canada ?

Dans des articles de blog précédents, j'ai discuté des principales raisons de l'optimisme persistant à l'égard de l'agriculture canadienne, malgré les difficultés rencontrées par le secteur américain, telles que : la stabilisation des prix des cultures, un taux de change USD/CAD favorable et stable et une forte demande d'exportation pour un le large éventail de cultures produites par les agriculteurs canadiens (en particulier le canola et les lentilles) et la solide situation financière des agriculteurs canadiens.

En plus de ces facteurs, il existe des différences structurelles entre les secteurs agricoles canadien et américain qui tendent à protéger les agriculteurs canadiens (et, par conséquent, les prix des terres agricoles canadiennes) de la baisse des prix du maïs et du soja, qui sont la principale cause des difficultés actuelles des agriculteurs américains. À Bonnefield, nous soulignons fréquemment les avantages compétitifs des terres agricoles canadiennes en termes d'accès à l'eau, de perspectives plus favorables aux changements climatiques et de moindre dégradation des sols.

Cependant, un avantage moins bien compris du secteur agricole canadien est sa grande diversification. Les agriculteurs canadiens sont beaucoup moins tributaires des prix du maïs et du soja que leurs homologues américains.  Une superficie stupéfiante de 178 millions d'acres, soit quelque 55% de toutes les terres cultivées aux États-Unis, sont ensemencées en maïs ou en soja. Cela représente une superficie nettement plus grande que celle de la France entière, consacrée à la production de seulement deux cultures. En revanche, seulement environ 13% de toutes les terres agricoles canadiennes sont utilisées pour cultiver du maïs et du soja. En d’autres termes, la totalité des cultures canadiennes de maïs et de soja ne couvre que 5% de la masse terrestre utilisée pour cultiver ces cultures aux États-Unis, une superficie beaucoup plus petite que la province de la Nouvelle-Écosse.  Ce fait est la principale raison pour laquelle les prix des terres agricoles américaines sont beaucoup plus fortement tributaires des prix du maïs et du soja que ceux des terres agricoles canadiennes.

Les graphiques ci-dessus illustrent la plus grande diversification du secteur agricole canadien. En effet, si les superficies américaines consacrées à la production de coton (une culture qui n’est pas cultivée au Canada) étaient retirées de ces chiffres, cela illustrerait encore plus dramatiquement à quel point les prix des terres agricoles américaines sont influencés par les prix du marché du maïs et du soja.

Un autre facteur qui exacerbe la vulnérabilité des agriculteurs américains à la baisse des prix du maïs et du soja est la prévalence de la monoculture dans les secteurs américains du maïs et du soja. Une combinaison de facteurs climatiques et agrologiques uniques permet à certains grands agriculteurs américains – en particulier dans le Midwest – d’éviter les rotations de cultures traditionnelles et de poursuivre la monoculture d’une seule culture année après année. Cette pratique est pratiquement inexistante au Canada. La monoculture exerce un stress supplémentaire sur les sols et nécessite des techniques agricoles intensives impliquant une utilisation beaucoup plus importante d'engrais, d'herbicides et de pesticides afin d'obtenir des rendements constamment élevés année après année. Les coûts plus élevés impliqués dans ces techniques agricoles intensives ne sont pas vraiment préoccupants à une époque où les prix des cultures sont élevés et en hausse. Mais dans un environnement de prix faibles, des coûts plus élevés contribuent à un resserrement des marges et à une moindre résilience financière – une tendance que nous observons actuellement dans une grande partie du secteur agricole américain.

La baisse des prix des terres agricoles aux États-Unis est-elle donc un indicateur avancé de ce qui pourrait arriver aux prix des terres agricoles au Canada ? Potentiellement, mais peu probable. Les agriculteurs américains sont beaucoup plus exposés à la faiblesse des prix du maïs et du soja que les agriculteurs canadiens.   Les agriculteurs canadiens bénéficient de (i) une plus grande diversification des cultures, (ii) une forte demande, des prix élevés et une moindre concurrence internationale pour les principales cultures canadiennes comme le canola et les lentilles, (iii) un taux de change favorable entre les États-Unis et le Canada, (iv) des fondamentaux financiers solides de le secteur agricole canadien, et (v) de brillantes perspectives de rentabilité agricole continue. À notre avis, toute faiblesse des prix des terres agricoles canadiennes serait probablement de courte durée et représenterait une opportunité d'achat. 

Un scénario plus probable est que les taux d’appréciation des terres agricoles canadiennes reviendront aux normes à long terme après plusieurs années de croissance démesurée au cours de la période 2010-2014.

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